Queue de rat, queue de renard, queue de morue et de cochon, sauterelle, grue, hérisson, rossignol et langue de chat.
Quel sens attribuer à cet étrange bestiaire ?
Le vétérinaire pourrait sans doute y voir des animaux et des détails anatomiques animaliers. L’artisan, lui, penserait, peut-être, à des outils. Sans contexte, les mots en eux-mêmes n’ont pas de sens. Si je dis : « Tu as vu la sauterelle ? » Qui peut savoir, si je parle d’un insecte, d’une fausse-équerre servant à reporter des angles ou d’une fille aux longues jambes ?
Cependant, expliquer la transmission et la compréhension du sens en fonction de critères purement contextuels à la communication ne peut suffire. En effet, penser qu’une fois le contexte analysé, maîtrisé, le sens se transmet clé-en-main, univoque, entre individus, c’est postuler que chaque locuteur a été fabriqué dans la même matrice, refuser à chacun d’être au monde comme sujet singulier. Dès lors, il apparaît pertinent de penser au pluriel plutôt qu’au singulier : les sens et non plus le sens.
Cette réflexion, appliquée à la didactique, pose, éminemment, la question - voire remet en question - bien des modèles éducatifs. Enseigner et apprendre ne peut, en effet, se réduire au simple transfert d’une chose-savoir faisant sens pour l’enseignant vers l’apprenant. Chaque situation d’enseignement-apprentissage implique des interactions complexes entre sujets humains dans lesquelles subsiste une grande part d’opacité. L’enseignant n’est ni le maître d’autrui ni le maître du sens.
Valérie Weidmann