Elle entretient un rapport particulier à la langue, comme tous les auteurs francophones ; de plus, l’exil fait partie intégrante de son identité et de son écriture. Elle est d’ailleurs l’épouse d’un autre exilé francophone, Tzvetan Todorov. Que le français soit parlé par les auteurs antillais, maghrébins ou nord-américains, le rapport problématique à la langue et les thèmes de réflexion restent les mêmes.
Nous pouvons ainsi retrouver l’identité, de manière générale, à travers la situation d’exil notamment. Nancy Huston, en outre, interroge beaucoup la situation de la femme, et sa spécificité à appréhender le monde, ainsi que sa spécificité dans son rapport à l’écriture, comme le montre son Journal de la création, essai qui combine son journal de grossesse et ses réflexions sur la création artistique de la femme. Lors de son arrivée à Paris, à tout juste vingt ans, elle fréquente d’ailleurs les cercles féministes – elle y rencontre notamment Leïla Sebbar, avec qui elle collaborera pour publier notamment leur correspondance, Lettres parisiennes, histoire d’exil, ainsi qu’Une enfance d’ailleurs, qui regroupe les récits de dix-sept écrivains exilés – ce qui nourrira sa réflexion sur la femme, un des principaux thèmes de réflexion de son œuvre.
D’autres éléments de sa vie propre, que nous avons évoqués, ont continuellement influencé son œuvre. La musique occupe, en effet, une place importante dans sa vie. Elle a notamment participé à de nombreuses lectures en musique, et ce thème revient fréquemment dans ses romans, et les structure parfois. Des romans comme Prodige, L’Empreinte de l’ange, Instruments des ténèbres ou Lignes de faille présentent des personnages musiciens et accordent une place prédominante à cet art. Les Variations Goldberg est une œuvre qui repose exclusivement sur la musique : le titre et la structure font référence à l’œuvre éponyme de Bach. De même, l’abandon de sa mère, qui l’a marquée, a entraîné une image de la mère très particulière dans ses romans : qu’elle soit tyrannique, absente, omniprésente, non protectrice, la mère apparaît toujours de manière négative.
Nancy Huston est donc un écrivain pétri de ses expériences d’exilée et des questionnements identitaires que cela peut entraîner, associés aux réflexions sur la condition féminine. Néanmoins, malgré ses tiraillements identitaires, qu’elle évoque avec Leïla Sebbar, l’auteure trouve un équilibre entre ses rôles de mère, de compagne et d’écrivain, et trouve de surcroît une terre où elle se sent réellement chez elle, la région du Berry.