En effet, Nancy Huston décrit dans cet essai les multiples facettes de son pays d’accueil, de manière ludique et avec un regard qui reste tendre. Le titre, d’emblée, fait référence à la chanson de Charles Trenet, « Douce France », véritable déclaration d’amour à son pays. Se succèdent alors douze petits portraits, titrés et numérotés : la fantasmatique, l’opaque, la monumentale, la gauchiste, la dragueuse, la théoricienne, la féministe, la banale, la cosmopolite, la conformiste, la persifleuse et la profonde.
Les titres sont constitués d’adjectifs substantivés, qui sont développés et illustrés par des exemples, situations vécues par l’auteure. Elle s’attarde sur les aspects de la France qui, vingt-cinq ans après, l’ont marquée ou qu’elle remarque encore. Nous pouvons distinguer des facettes mélioratives, et d’autres, plus rares, qui font l’objet d’une critique. Toutefois, l’auteure a tendance à nuancer l’éloge ou le blâme. Nous retrouvons ainsi sept portraits qui soulignent un aspect positif de la France, comme son ouverture à l’autre (la cosmopolite et la féministe), son rayonnement culturel (la monumentale et la fantasmatique), la vie des étudiants post-68 (la gauchiste), enfin la France que l’étranger peut s’approprier comme étant sa terre (la banale et la profonde).
De même, certains défauts sont clairement soulignés par l’auteure canadienne. En effet, son caractère rigoriste vis-à-vis de la langue et de la littérature est pointé du doigt (la théoricienne et la conformiste), de même qu’un certain sans-gêne, dans l’irruption d’une certaine intimité (la dragueuse et la persifleuse). Le portrait intitulé l’opaque, s’il tend à être plutôt négatif, l’est moins du point de vue des Français que de l’étranger qui arrive en France, et qui est confronté au mur de la langue courante, et au fossé la séparant de la langue scolaire.
Douze France permet donc, de manière ludique, de dresser un portrait complexe du pays d’accueil, à la fois tendre et lucide.